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A l'addresse de personne... donc, de tout le monde...
17 août 2009

Enchainé.


Et encore une voiture qui vient d'arriver,
Encore une voiture que je dois nettoyer.

Je suis ici depuis six heures du matin,
Mais aussi depuis des années
A essuyer ces carrosseries à la main.
Avant que les robots et leur bras articulé
S'agitent sans râler jusqu'à ce que tout soit peint
Dix ans à travailler sur cette chaine… ha non, pardonnez,
On doit dire "en ligne" plus "à la chaine", j'en conviens...
Sinon, c'est le Chef qui va encore gueuler.

.

                Et encore une voiture qui vient d'arriver,
               Encore une voiture que je dois nettoyer.

Et Mourad qui n'est pas là pour me relayer,
Il vole de précieuses minutes à ma pause
Mourad, mon frère, je vais encore te détester.
Il y a aussi Gégé, j'aime bien comment il cause.
Ha oui, vivement ce café, j'irais avec Gégé,
Il est gentil, et j'aime sa compagnie quand je me repose.
Sinon, pas beaucoup d'amis avec qui on peut discuter,
Car ici c'est le bruit de l'usine qui s'impose.

                                Et encore une voiture qui vient d'arriver,
                               Encore une voiture que je dois nettoyer.

Tout à l'heure, un type à la blouse blanche est venu,
Il m'a arraché mon chiffon des mains, l'a imbibé,
Et s'est acharné sur une voiture: "C'est comme çà qu'on fait, c'est vu?"
Puis, il a tourné les talons en criant: " La Qualité ! La Qualité !".
Qui es-tu pour venir m'humilier, jeune petit con, parvenu.
Tu ne sais pas ce que c'est de faire çà toute la journée.
Tu as du faire les études pour bien parler, mais on voit bien que tu n'as rien vécu.
Mais bon… au moins pendant cinquante secondes j'ai pu souffler.

                                             Et encore une voiture qui vient d'arriver,
                                            Encore une voiture que je dois nettoyer.

Si mon fils me voyait là, il aurait honte de moi, et détournerait les yeux
Dire que je fais çà pour qu'il ait des baskets aux pieds,
Et qu'aussi, un jour, ce soit lui qui porte la blouse blanche, pas le bleu.
A coup de somnifères la nuit, et de calmants la journée,
Ma femme elle, dans sa tête, elle est repartie au pays des aïeux.
Mon vrai soleil, mon amour, ma fierté,
C'est ma fille chérie Leïla; elle me rend heureux
Elle, elle est encore trop petite pour me mépriser.

                                                                  Et encore une voiture qui vient d'arriver,
                                                                 Encore une voiture que je dois nettoyer.

Mais… que se passe t'il ? Par mon nez mon sang s'écoule,
C'est ce putain de produit pour nettoyer que j'arrête pas de respirer…
C'est certain; déjà j'étais sûr que cette odeur me rendait maboule
Merde, je ne sens plus mes jambes, ma tête se met à tourner,
Que m’arrive t’il ? Çà y est, je m'écroule...
Je vois Gégé là-bas; il me voit, je ne l'entends pas, mais il a l'air de hurler.

Bientôt, autour de moi, les autres gars déboulent.
Leïla, mon cœur adoré, sache que ton papa t’aura tant aimé.

                                                          Et encore une voiture qui vient d'arriver,
                                                             Mais celle-là, Chef, je ne pourrais pas la nettoyer.


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Commentaires
M
Beaucoup de sensibilité, de réalisme car malheureusement c'est vrai! <br /> Bravo.<br /> Marilug
A l'addresse de personne... donc, de tout le monde...
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